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Les Sorcières de la Castagniccia

Au cœur de la Castagniccia, cette région montagneuse où les châtaigniers centenaires murmurent des secrets au vent, le temps semble s’être arrêté. Entre les villages perchés et les sentiers de pierre envahis par la mousse, une légende circule depuis des générations — celle des sorcières qui peupleraient encore les hauteurs, bien après que les cloches aient cessé de sonner et que les croyances anciennes aient été balayées par les siècles.

Les Sorcières de la Castagniccia

Mariana la Silencieuse — Sorcière de la Castagniccia

Parmi toutes les histoires chuchotées à la veillée, un nom revient avec une insistance étrange : Mariana la Silencieuse. Nul ne sait si elle a réellement existé, tant son souvenir est drapé d’ombre, de crainte et de fascination. Mais dans les villages de la haute Castagniccia, son nom fait frissonner même les plus anciens.

On dit qu’elle vivait seule, au fond d’un vallon encaissé où la lumière peinait à percer. Sa maison, bâtie de pierres noircies par le temps, n’était visible que depuis un unique sentier, aujourd’hui englouti par la végétation. Mariana n’était pas née là, affirme-t-on. Elle serait arrivée une nuit d’orage, encore jeune, les vêtements trempés, les yeux brillants d’un feu que personne n’a su nommer.

Très vite, les villageois ont compris qu’elle n’était pas comme les autres. Elle parlait peu, mais regardait intensément. Elle connaissait les plantes mieux que les bergers, les lunes mieux que les prêtres, et les douleurs du corps comme celles de l’âme. Elle soignait les brûlures, les morsures de serpent, les fièvres et les chagrins. Mais ses remèdes avaient un goût étrange, et ceux qu’elle touchait se sentaient « changés », disait-on — apaisés, mais comme marqués.

Une rumeur disait qu’elle parlait aux corbeaux, qu’un renard dormait à sa porte et qu’elle disparaissait parfois plusieurs jours, pour revenir les mains pleines d’herbes rares et les pieds couverts de boue. Des enfants la surprirent une nuit près d’un châtaignier fendu, en train de murmurer à voix basse dans une langue que même les anciens ne reconnaissaient pas. Ils jurèrent qu’un cercle de pierres brillait faiblement autour d’elle, comme si la terre respirait sous ses pieds.

Mais ce qui fit basculer Mariana dans la légende, ce fut l’épidémie. Une fièvre terrible s’abattit sur la vallée. Les familles se cloîtrèrent, les prières s’élevèrent en vain. Mariana, elle, montait de village en village, sans crainte, posant ses mains sur les fronts brûlants, déposant des sachets de plantes sous les oreillers, traçant des symboles sur les portes. Et puis, la fièvre cessa. Brusquement. Sans raison apparente. Seuls les hameaux qu’elle avait visités furent épargnés.

Certains la bénirent. D’autres l’accusèrent. Elle ne répondit rien. Elle reprit le sentier de sa vallée et disparut. On raconte que peu après, sa maison s’effondra dans un glissement de terrain. Et que depuis, plus personne n’a osé s’aventurer jusque-là.

Mais parfois, les soirs d’orage, une silhouette fine se dessine entre les arbres. Et sur les pierres encore visibles de son ancien foyer, la mousse pousse en spirale, comme un dernier mot laissé à ceux qui savent encore regarder.

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